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Communiqués aux adhérents

[CENTENAIRE DU SNJ]

« Pour renforcer l'indépendance, le pluralisme, lutter contre la précarité... il reste tant à faire »

 

Déclaration du Premier secrétaire général du SNJ, vendredi 2 mars 2018 au Sénat, à l'occasion du colloque intitulé "Les parlementaires et les lois sur la liberté de la presse", organisé dans le cadre du centenaire du syndicat.


 

Mmes et MM. les parlementaires,

Mmes et MM.,

M. le sénateur,

Au nom du Syndicat National des Journalistes, je vous remercie très sincèrement de nous permettre de vous inviter dans cette maison de la République, au rôle essentiel pour la démocratie puisque le Sénat, en tant que chambre haute du Parlement, dispose du pouvoir de contrôler la politique du gouvernement. Je vous remercie de votre accueil, pour ce colloque qui constitue un temps fort du centenaire du SNJ.

Ce sera développé dans quelques minutes, le SNJ est né il y a presque 100 ans, le 10 mars 1918. Il est toujours aujourd’hui la première organisation de la profession et entend bien le rester, en dépit des politiques qui tendent à affaiblir la représentation des salariés, pour mieux décortiquer le Code du travail. Mais tel ne sera pas mon propos aujourd’hui.

Fondé par quelques pionniers, autour d’un certain Georges Bourdon, à quelques mois de l’armistice de 1918, le SNJ a contribué à façonner la profession, notamment en la dotant d’une charte d’éthique dont la publication a été l’acte fondateur du syndicat. Le SNJ a été de tous les combats depuis 100 ans, pour la profession et pour la liberté de la presse et la liberté d’informer, qui n’est pas un hochet pour journalistes mais bien un droit fondamental du citoyen.

Syndicat catégoriel et non corporatiste, attaché à son autonomie tout autant qu’à un syndicalisme de luttes et de transformation sociale qui a motivé son adhésion à l’Union syndicale Solidaires il y a vingt ans, le SNJ a participé à l’ensemble des conquêtes de la profession, en inspirant tous les textes qui régissent et protègent aujourd’hui les journalistes français, en particulier la convention collective nationale, étendue à toute la profession, et bien sûr la loi de 1935, qui a forgé le statut du journaliste professionnel français, en instaurant notamment la clause de cession, la clause de conscience et la juridiction d’exception qu’est la commission arbitrale des journalistes.

Le SNJ n’a pas mené seul toutes ces batailles. La plupart de ces acquis ont été obtenus dans une unité d’action des syndicats de journalistes, et de la profession, unité qui fait trop souvent défaut aujourd’hui. Le SNJ, et la profession, ont aussi eu, à différentes étapes, l’appui des parlementaires, qui ont légiféré, en considérant que le journaliste, compte tenu de la particularité de son métier devait être protégé, pour lui donner les moyens de résister aux pressions des actionnaires, des publicitaires, des lobbys, des courants et des politiques, et même parfois de ses employeurs.

Tant de choses ont été faites, MMmes et MM., mais il reste tant à faire.

Il reste tant à faire, pour renforcer le pluralisme et l’indépendance des rédactions, dans un contexte de concentration capitalistique, qui a précipité la propriété de la plupart des grands médias entre les mains d’industriels et de milliardaires dont la priorité n’est pas l’information honnête et rigoureuse du citoyen. Sur ce terrain de l’indépendance et de l’éthique, le SNJ a beaucoup regretté que la loi Bloche, promulguée en novembre 2016, ait raté ses objectifs, en inscrivant dans la loi un droit d’opposition individuel inapplicable, puisque soumis à des négociations d’entreprises qui n’ont pour la plupart jamais eu lieu. Il faut aller plus loin, en dotant les équipes rédactionnelles d’un droit d’opposition collectif, juridique, qui permette un réel contre-pouvoir dans l’entreprise, sans altérer toutes les prérogatives de l’employeur.

A l’heure d’une nouvelle réforme annoncée de l’audiovisuel public, dictée par des impératifs comptables, et qui ne semble pas motivée par le nécessaire renforcement d’un service public de l’information, rigoureux et pluraliste, il y a urgence à repenser la mission d’information, y compris lorsque cette mission est exercée par des entreprises privées.

Il reste tant à faire, pour lutter contre la précarité qui gangrène la profession, affaiblit les collectifs de travail et asservit les rédactions. Le SNJ dénonce et combat le recours au régime des auto-entrepreneurs, la dernière forme de précarité à la mode, et tous les subterfuges utilisés pour contourner le salariat, qui ont pour effet de déposséder les journalistes de tous leurs droits. Ces pratiques nocives pour la profession sont le fait d’employeurs peu scrupuleux, dont certains ont pignon sur rue, et bénéficient d’aides publiques sans aucun contrôle ni contrepartie. Le SNJ considère qu’il y a urgence à mettre en œuvre une réelle réforme de l’attribution des aides à la presse, permettant leur conditionnement à des exigences sociales et éthiques.

Il reste tant à faire, pour renforcer la protection du secret des sources des journalistes, dans le contexte nouveau de la loi Renseignement, qui fait de mon Smartphone un micro ouvert en permanence chez nos amis les RG ! Il reste tant à faire pour construire un vrai statut protecteur pour le lanceur d’alerte, ce quidam, ce salarié, ce syndicaliste, sans qui il n’y aurait plus de source journalistique, et plus de journalisme d’investigation, forcément nécessaire dans ce monde où la communication est devenue la seule règle, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat.

La liberté de la presse doit être libérée du secret des affaires, destiné à protéger les intérêts de quelques-uns contre l’intérêt général.

La liberté de la presse doit être libérée des procédures-bâillons, consistant à abuser des dispositions de la loi de 1881 sur la diffamation, pour faire taire les rédactions.

Il reste tant à faire, pour protéger les journalistes, la presse, les médias, de leurs propres turpitudes. Oui, qui pourrait le nier, le système médiatique dysfonctionne. Mais la France ne s’est toujours pas dotée d’une instance de régulation nécessaire, interne à la profession, paritaire et même tripartite, associant des représentants des salariés, des employeurs et du public.

Si la société doit être protégée des fausses nouvelles, des Fake News, la démocratie doit être protégée des fausses nouvelles sur les Fake news, qui justifieraient des restrictions à la liberté d’expression voire un retour de la censure.

Enfin, nous avons un message pour les ennemis de la liberté qui prônent la haine des journalistes et des médias, et voudraient les mettre au pas. Les écarts de langage de certains doivent cesser, alors que des journalistes sont assassinés pour leurs écrits à deux heures de Paris, d’autres confrères condamnés et emprisonnés aux portes de l’Europe par le régime d’Erdogan. Il y a trois ans, au lendemain du drame de Charlie Hebdo, nous étions tous Charlie. Le SNJ est toujours Charlie, en ce sens qu’il défendra toujours la liberté d’expression comme un bien commun.

De tous ces sujets, il sera forcément question cet après-midi, dans la bouche des intervenants auxquels je laisse la parole.
Merci à tous,
Vive le SNJ,
Et vive la liberté de la presse !
 

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2 mars 2018 - Colloque du centenaire du SNJ au Sénat, salle Clémenceau -
« Les parlementaires et les lois sur la liberté de la presse »

 

 

Paris, le 02 Mars 2018

Thèmes : Liberté

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