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Communiqués de presse

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Euronews : un massacre social et éditorial


Neuf mois après avoir acheté Euronews, le fonds d’investissement portugais Alpac Capital a annoncé le licenciement de 197 salarié·e·s sur un effectif de 349 salarié·e·s permanent·e·s. Les deux tiers de la rédaction sont évincés. Au total, 128 journalistes, 58 technicien·e·s et 12 administratifs vont perdre leur emploi.

En présentant ce massacre social aux représentants des salarié·e·s le 2 mars dernier, le directeur général d’Euronews, Guillaume Dubois, a commenté : « C’est un mauvais moment à passer ».

Dans les mots de la direction, il s’agit d’un « plan de transformation » qui vise à « redéployer » l’entreprise à Bruxelles et dans les capitales de plusieurs pays. A Lyon, resteront une partie des équipes française et russe et certains services techniques et administratifs, et ce pour « limiter marginalement le redéploiement » a indiqué Guillaume Dubois.


Ce n’est pas un redéploiement !

Il n’y a aucune volonté affichée de réembaucher les actuels salarié·e·s d’Euronews, ni dans les propos ni dans les actes. Tous les postes ne sont pas recréés et pour ceux qui le sont, ils seront ouverts au recrutement externe.Les salarié·e·s licencié·e·s n’ont aucune garantie de retrouver leur propre emploi, quand celui-ci est recréé. Parmi les journalistes licencié·e·s, des consœurs et des confrères russes et turcs qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays sous peine d’être emprisonné·e·s.

En outre, ce plan est accompagné de réductions d’effectifs, parfois de moitié, dans les équipes de langues et plusieurs services de la rédaction (montage, graphistes…).


Alpac souhaite donc faire tabula rasa

Ces choix stratégiques interrogent par ses profondes conséquences non seulement humaines mais aussi éditoriales. Nos journalistes, venu·e·s de nombreux pays, sont réuni·e·s à Lyon en une rédaction multilingue et cosmopolite qui échange tous les jours, de tous les sujets couverts et à couvrir. Autour d’une même table. Demain, au-delà des correspondants, les bureaux locaux d’Euronews seront constitués de journalistes isolés de la rédaction centrale. Chacun chez soi.

Un éloignement radical des idéaux de Jean Monnet qui ont forgé l’Union Européenne. Pour nous salariés d’Euronews, il s’agit d’une usurpation du projet éditorial de mission de service public porté depuis toujours par notre média.

Par ailleurs, demain, le travail des journalistes des bureaux nationaux consistera à corriger, amender et mixer une traduction automatique d’articles et commentaires vidéo écrits dans une autre langue.

Contrairement à ce que la direction d’Euronews affirme, le multilinguisme n’est pas une priorité de ce nouveau plan. En raison de la réduction des effectifs, la direction a annoncé qu’Euronews sera diffusé en anglais le week-end sur toutes les chaînes linguistiques et l’information sera couverte a minima sur les plateformes numériques.

Au vu du modèle économique, appuyé sur la gratuité, la publicité et la diversification, quelle sera la place laissée aux informations générales et quelle sera l’indépendance de cette rédaction ?


Comment Alpac liquide Euronews étape par étape

Demain, Euronews ne produira plus : l’actionnaire a décidé de sous-traiter toutes les activités de tournage et de production de magazines, des activités créées il y a plus de dix ans grâce au soutien financier de la Commission européenne.

Demain, Euronews ne diffusera plus : la régie toute entière disparaît !

Tous les salariés de ces services seront donc licenciés, non sans devoir au préalable assurer la jonction avec les systèmes et entreprises qui les remplaceront !

Demain, notre entreprise, Euronews SA, n’aura plus aucun actif, plus aucune valeur. Alpac souhaite vendre la marque et le bâtiment, sous-traiter la diffusion et la production, délocaliser nos activités techniques et rédactionnelles : un dumping social pour dégager des marges en sacrifiant nos emplois.

La logique économique du fonds d’investissement est bien en place : il faut rentabiliser, donner de la valeur, et puis revendre. Classique, mais fondée, dans le cas d’Euronews, sur une manipulation totale : Pedro Vargas David ne nous avait-il pas promis, il y a neuf mois, devant tous les salariés réunis pour l’occasion, d’investir, de développer, de recruter ? Promesses qui font froid dans le dos aujourd’hui.

Nous, salariés d’Euronews, en appelons donc au président de la République française, Emmanuel Macron, ainsi qu’à la Commission Européenne : ne laissez pas un fonds d’investissement nous détourner de notre mission de service public et ne laissez pas un fond d'investissement licencier 200 personnes en France au nom d’un projet incertain.



CHRONOLOGIE

29 Juin 2022
Rachat par Alpac.

Juillet 2022
Le directeur général annonce un plan de réorganisation de la rédaction ; 11 postes de la chaîne anglaise sont alors supprimés.
Le plan prévoit que la rédaction soit scindée en quatre pôles, deux de création de contenus où les journalistes écrivent, montent leurs sujets dans leur langue et deux autres où les journalistes n’écrivent plus leurs sujets mais traduisent l’article d’un collègue dans sa langue originale ou pré-traduit en anglais.

Septembre 2022
Face à la pression des élus du personnel, la direction accepte de reporter la mise en place de la nouvelle organisation et d’organiser un dialogue autour du projet de réorganisation.

Octobre & novembre 2022
La direction annonce son intention de mettre le bâtiment en vente et de transférer une partie de la marque à la holding.

Décembre 2022
La direction annonce aux représentants du personnel que Pedro David Vargas souhaite que deux élus journalistes siègent au comité éditorial aux côtés de la direction. Ce comité n’a jamais été réuni depuis et ce malgré les inquiétudes des salariés concernant la couverture indépendante de la coupe du monde au Qatar.

Février 2023
La direction annonce aux représentants du personnel que les journalistes du pôle “édition”  doivent traduire, enregistrer et sous-titrer un sujet par heure. Il réaffirme que, pour les journalistes, il ne s’agit plus d’écrire mais de “traiter”.

Mars 2023
La direction supprime deux tiers des journalistes, l’intégralité du service diffusion, du service production, du service planning de la rédaction à Lyon. Il réduit, par ailleurs, les effectifs des équipes de journalistes de toutes les langues et d’autres services de l’entreprise.
 

 

 

Lyon, le 14 Mars 2023

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