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Section SNJ Ile-de-France

France Médias Monde : un règlement intérieur potentiellement inique

Le salarié de France Médias Monde n’est pas un citoyen libre mais appartient corps et âme à l’entreprise : voilà, en peu de mots, la philosophie qui sous-tend le règlement intérieur de FMM, en vigueur depuis le mois de juin 2015.

Ses interdits multiples, dont certains sont franchement illégaux, voire anticonstitutionnels, garantissent que tous les salariés, à un moment où à un autre, sont en infraction, et donc théoriquement passibles de sanctions, au gré de la direction. Tous les salariés de FMM vivent désormais avec cette épée de Damoclès : tous coupables, mais pas nécessairement punis. C’est la porte ouverte à tous les arbitraires. L’affirmation est grave. Nous la prouvons dans les paragraphes qui suivent.

Courrier électronique
Il vous arrive d’envoyer et de recevoir des e-mails personnels au travail ? Sachez que, dans sa grande mansuétude, la direction vous autorise à le faire à condition que l’en-tête du message et le dossier dans lequel il sera stocké comportent la mention « Personnel », à défaut de quoi l’entreprise s’arroge le droit de prendre connaissance de leur contenu.

Mais il y a un bémol et de taille : vos messages « personnels » ne peuvent en aucun cas concerner votre activité professionnelle (article 10.5) et toute violation de ces dispositions est passible de sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement (article 10.8). Comment faire avec les messages dans lesquels le privé et le professionnel se mélangent, ce qui est fréquent ? Mystère. Comment fera la direction pour le savoir alors qu’elle s’interdit en principe de regarder le contenu des messages « personnels » ? Encore un mystère. Et peu importe pour elle que la Cour de cassation ait rappelé à de multiples reprises que le salarié a droit au respect de sa vie privée y compris à l’intérieur de l’entreprise.

Réseaux sociaux
Il vous arrive de poster des tweets ou des messages Facebook ou pire encore, de « chatter » pendant vos heures de travail ? Avez-vous une autorisation formelle de votre hiérarchie ? Non ? Alors vous contrevenez à l’article 10.2 du règlement intérieur.

Courrier postal
Un de vos amis d’enfance vous a perdu de vue et veut reprendre contact avec vous. Il ne connaît pas votre adresse, mais sait que vous travaillez à RFI, France 24, MCD ou FMM. Il vous écrit sur votre lieu de travail. Vous êtes de ce simple fait en infraction. Absurde, ridicule, kafkaïen, abusif, inapplicable ? Oui, tout cela. Mais la disposition figure en toutes lettres dans le règlement intérieur de FMM dans le dernier paragraphe de l’article 9. Comment fera la direction pour identifier un courrier postal personnel sans enfreindre l’article 226-15 du Code pénal qui punit de 45 000 euros d’amende et d’un an de prison toute violation du secret des correspondances ? Un mystère de plus.

Droits d’auteur
Le règlement intérieur postule que tout ce qui a été créé en utilisant le matériel de l’entreprise lui appartient (article 10.1). Outre que, hormis le cas des brevets, aucune disposition légale ou réglementaire ne lui permet de l’affirmer, cet article viole ouvertement les dispositions du Code de la propriété intellectuelle qui sont d’ordre public.

Protection des sources journalistiques
La Cour européenne des droits de l’Homme a, à de multiples reprises depuis 1996, rappelé que « la protection des sources journalistiques est la pierre angulaire de la liberté de la presse, nécessaire dans une société démocratique ». Cette protection doit pouvoir s’exercer y compris à l’encontre de l’employeur, si nécessaire. Mais cela n’émeut pas la direction de FMM qui introduit dans son règlement intérieur qu’en cas de départ de l’entreprise, le salarié doit restituer à l’employeur le matériel qui lui a été confié (cela va de soi) y compris l’intégralité des données. Par conséquent, les notes prises, les e-mails professionnels confidentiels (voir plus haut) et les noms et coordonnées des sources et les dates et heures de rendez-vous de l’agenda (article 10.9).

Liberté de conscience
Surfant sur la demande de laïcité qui s’est exprimée après l’attentat contre Charlie Hebdo, le règlement intérieur de notre entreprise prohibe de manière générale et absolue tout vêtement, tout signe indiquant l’appartenance à un courant de pensée ou à une religion (article 7). Rien n’est dit sur un quelconque prosélytisme ou sur un port ostentatoire. Interdit, c’est tout. Or, ces dispositions, qui méconnaissent le principe de proportionnalité, sont contraires aux dispositions légales qui régissent la laïcité, à la Constitution, à la Convention européenne des droits de l’Homme, au Pacte relatif aux droits civils et politiques (ces deux textes engagent la France et sont de portée supérieure au droit interne) et à la jurisprudence de la Cour de cassation.

Tous ces points ont été soulevés par le SNJ avant l’entrée en vigueur du règlement intérieur auprès de l’Inspection du Travail qui s’en est émue. Tout en réagissant fortement pour défendre son point de vue (en affirmant par exemple à tort que le règlement en question avait été approuvé à l’unanimité du CHSCT alors qu’il n’était saisi que des dispositions concernant la sécurité), la direction a pris l’engagement, tant auprès de l’Inspection du travail que du personnel (communication interne du 1er juin 2015), de procéder à des modifications de ce texte pour tenir compte des observations. A ce jour, elle n’en a rien fait.


Lire aussi sur le blog du SNJ Ile-de-France.

Paris, le 30 Octobre 2015

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