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La commission de la carte

Le SNJ à la Commission

La Commision de la Carte a bon dos

TRIBUNE (L’ObsLePlus). Après la polémique sur le non-renouvellement de la carte de presse de Pascale Clarck, quatre anciens présidents de la Commission de la Carte (CCIJP), Claude Cordier, Olivier Da Lage, Pierre Delimauges et Éric Marquis, rappellent quelques vérités sur son fonctionnement.

Depuis que Pascale Clark, dont la carte de presse n’a pas été renouvelée, a laissé éclater sa colère à l’antenne de France Inter, soutenue le lendemain matin sur cette même station par Patrick Cohen, cisaillant spectaculairement la sienne devant les micros et caméras du studio, on a lu et entendu tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi. C’est pourquoi il nous apparaît essentiel de rappeler quelques vérités de base, ignorées du grand public, mais aussi, malheureusement, trop souvent méconnues des journalistes eux-mêmes, pourtant concernés au premier chef.

Une commission qui réunit journalistes et employeurs

Tout d’abord, écartons la question de savoir si le non-renouvellement de la carte de Pascale Clark est justifié ou pas. Plusieurs d’entre nous ne connaissent pas son dossier, n’appartenant plus à la Commission. Quant aux autres, ils sont de toute façon tenus à la confidentialité sur les dossiers individuels.

Mais Pascale Clark est loin d’être la seule dans son cas. Chaque année, près de 500 dossiers sont rejetés par la commission de première instance de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) après un examen approfondi, un débat en réunion plénière où la décision est prise au consensus ou par un vote à la majorité absolue de ses membres. Cette commission est paritaire, composée pour moitié de représentants des patrons de presse et pour moitié de représentants des journalistes, élus par leurs pairs tous les trois ans. Le Syndicat national des journalistes (SNJ), auquel nous appartenons, est l’étiquette de la majorité absolue des élus journalistes (cinq sièges sur huit), mais cela ne fait que cinq sièges sur seize, puisque les employeurs comptent, tout comme les journalistes, huit membres au sein de la CCIJP.

Toute décision majoritaire suppose un accord entre au moins une partie des employeurs et au moins une partie des élus journalistes. Il ne peut donc y avoir d’hégémonie de qui que ce soit, même de l’organisation majoritaire des journalistes, contrairement à une allégation malveillante publiée sur ce site voici quelques jours.

On a vu pire en matière d’arbitraire

Les refus de carte sont toujours notifiés par lettre recommandée signée par le président de la CCIJP. Lorsque nous avons eu à le faire, nous n’étions à titre personnel pas toujours d’accord avec le refus, mais c’était le résultat d’un vote majoritaire s’imposant à tous. Dura lex sed lex.

Après ces refus, nous avons lu de nombreuses lettres poignantes de demandeurs à qui la carte n’avait pas été renouvelée car ils ne remplissaient plus les critères légaux, alors qu’ils se « sentaient, au fond d’eux-mêmes » journalistes. Un certain nombre d’entre eux ont d’ailleurs récupéré la carte dès qu’ils ont à nouveau rempli les conditions. Car la carte est attribuée annuellement, sur la base de conditions légales et réglementaires qui mêlent des critères objectifs (l’occupation principale et la majorité des revenus professionnels doivent relever d’une activité journalistique dans une entreprise de presse) et subjectifs (est-ce du journalisme ou non ?).

La Commission prend donc ses décisions à partir des textes légaux et réglementaires, de la jurisprudence (Conseil d’État et Cour de Cassation), de sa « jurisprudence » interne et enfin de l’expérience et du savoir de ses membres immergés eux-mêmes dans la profession (journalistes en activité et éditeurs de médias). On a vu pire en matière d’arbitraire ! (pour reprendre l’expression malencontreuse de Patrick Cohen).

Mais la CCIJP étant composée d’êtres humains et non de robots, elle est bien entendu faillible, et ses décisions de refus peuvent être contestées, dans le mois qui suit la notification, devant une Commission supérieure, composée majoritairement de magistrats.

Des recours sont possibles

Chaque année, près de 200 demandeurs à qui la carte a été refusée exercent ce recours et, en moyenne, la moitié obtiennent satisfaction. Ceux à qui le refus de carte est confirmé peuvent encore s’adresser à la justice administrative. Concernant le dossier précité, les motifs du refus ayant été exposés publiquement par la demandeuse, les responsabilités doivent être clairement identifiées : la direction de Radio France, pour des raisons faciles à imaginer, a fait le choix de rémunérer comme intermittents du spectacle ou producteurs nombre de ses collaborateurs. Certains font du journalisme, d’autre pas.

La loi dit clairement que le journaliste est un salarié. Un chapitre entier du code du travail (lequel, faut-il le rappeler, ne s’applique qu’aux salariés) lui est consacré. Et le journaliste relève de la Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ). Depuis la loi du 29 mars 1935, acceptée sans vote et par acclamation par le parlement français, le journaliste professionnel bénéficie d’un statut très protecteur comprenant notamment la fameuse clause de conscience. Mais le législateur a choisi de ne pas définir trop précisément en quoi consiste le travail du journaliste et en a confié la tâche à une commission composée de professionnels, la CCIJP.

C’est ce qu’elle fait et sa composition même lui a permis de s’adapter à l’arrivée de la télévision, et plus récemment d’internet, et de prendre en compte les journalistes travaillant pour les sociétés de production (qui ne sont pas toutes des entreprises de presse reconnues).

Ce n’est pas une carte de « bon journaliste »

Mais la Commission de la carte ne fait pas le journaliste. Elle constate que le demandeur à qui elle attribue une carte, valable un an, remplit les critères pour bénéficier du statut prévu par le Code du travail. C’est une carte de journaliste, et non pas une carte de « bon journaliste ». La CCIJP a le devoir de trancher pour dire si le demandeur est journaliste ou pas, mais n’a en aucun cas le droit de porter un jugement sur la qualité de son travail.

La Carte, c’est ça et rien d’autre. Et notamment pas un avantage fiscal. Précisons, pour ceux qui ont reproduit ce canard sans vérifier l’exactitude de l’information, que les dispositions fiscales en faveur des journalistes ont été prises par le ministère des Finances en 1934, deux ans avant la délivrance de la première carte de presse… Ce que nous voulons dire enfin c’est qu’ils ont bien de la chance, ceux qui peuvent bénéficier d’une antenne, d’un plateau, de colonnes pour prendre à témoin le public sur leur problème personnel de carte de presse. D’autres n’ont pas ces moyens. Voilà qui ne va pas contribuer à réduire la méfiance de la « France d’en-bas ».

le 14 Mars 2015

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