Formulaire de recherche


SNJ - 33 rue du Louvre - Paris 75002 - 01 42 36 84 23 - snj@snj.fr - Horaires


Communiqués des sections

Dauphiné libéré

Le danger d’une scénarisation de l’information

Il paraît que « gouverner, c’est prévoir ». Mais l’actualité se gouverne-t-elle ? La question se pose ces derniers mois tant le traitement de l’information semble parfois vouloir s’écrire à l’avance au Dauphiné Libéré. L’affaire de la disparition et de la mort de Victorine, à Villefontaine, en Isère, en est le dernier –et pas le moindre- exemple en date. A peine passés les faits, le but a été de multiplier les angles et à les imposer pour ne pas faire retomber le soufflé. Quitte à accumuler les témoignages sur le thème de l’émotion ou à user d’angles magazines sur la thématique générale de l’enquête. Le tout en imposant un rythme de publication sur le web aux rédacteurs. Au SNJ, ce glissement vers une scénarisation de l’actualité imposée au plus loin du terrain et la quête effrénée du « rebond » nous semble dangereux, particulièrement dans le cadre du traitement des faits divers. Et ce sur plusieurs plans.

Premièrement, cela met les rédacteurs dans l’obligation de fournir le contenu prévu quand bien même l’actualité ne le permettrait pas. Au risque de les exposer à rogner sur la rigueur de la vérification de l’information, plus importante encore en matière de faits divers qu’en toute autre. Et à les mettre en position parfois délicate vis-à-vis de leurs interlocuteurs réguliers ou des proches des personnes concernées par l’événement.

Deuxièmement, cela nourrit, chez les journalistes, un sentiment de réelle défiance. Seraient-ils moins compétents ou moins investis que leur hiérarchie, alors qu’ils sont au plus proche de l’événement, pour déterminer ce qui relève d’une information ou pas ? Leur expertise thématique et géographique et leur connaissance du territoire et de ses intervenants seraient-elles moins importantes qu’une décision prise depuis un bureau ? Cette prévision de l’information tend à réduire le dialogue entre les journalistes de terrain et leur hiérarchie. Le point de vue des premiers ne pouvant s’exprimer librement sur une décision prise par la seconde. Sans oublier la position des chefs d’info pris de plus en plus en étau entre des ordres éditoriaux verticaux et des remontées du terrain parfois diamétralement opposées.

Enfin, s’engager dans cette course à l’émotion doublée d’une scénarisation de l’actualité nous paraît être une stratégie très glissante à moyen et long terme. Certes, le nombre de pages vues va augmenter et les courbes d’audience vont montrer des pics. Mais pour un succès d’audience à l’instant T, combien de lecteurs vont se désabonner des notifications de l’application du Dauphiné Libéré pour en avoir reçu une dizaine dans la journée sur un événement rongé jusqu’à l’os ? Combien vont nous reprocher de « faire du BFM » et s’éloigner durablement de nous ? Les premiers retours alimentent déjà nos craintes.

Si gouverner c’est prévoir, le SNJ estime qu’en matière d’information, scénariser est dangereux et qu’il est important d’écouter les journalistes de terrain et de s’adapter.

Veurey le 06 Octobre 2020

Thèmes : Éthique

accès pour tous