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Communiqués de presse, Santé-Prévoyance, Pigistes

Pigistes : le nouveau régime de prévoyance déjà menacé


L’histoire, dit-on, sert à éclairer le présent. Consultons donc le passé ce qui, dans le bras de fer qui se précise avec les patrons, se révèle effectivement fort utile. Le régime de prévoyance pour les journalistes pigistes a été mis en place par l’accord de branche de 1975, constituant l’annexe III à la convention collective nationale de travail des journalistes. Selon cet accord, le dispositif devait être financé par une cotisation obligatoire au taux de 0,55% pour la part patronale, 0,28%  pour la salariale.

Jusqu’au début des années 2010, ce régime, géré successivement par l’Anep Bellini, l’Anep générale, puis Audiens, a fonctionné dans la plus totale opacité. Ce, malgré de nombreuses demandes d’information de notre part sur ses résultats, le nombre de prestations versées, ou encore la destination des fonds inemployés.

Début 2014, les syndicats de journalistes obtiennent enfin un bilan partiel et là, c’est la stupeur. Et la consternation ! Les prestations versées ne représentent en moyenne que le sixième des cotisations prélevées, ce qui montre que la plupart des journalistes pigistes ne bénéficient pas de leurs droits, notamment en termes d’indemnités en cas d’arrêt maladie. Les taux  des cotisations ont été abaissés de 0,55% à 0,413% et de 0,28% à 0,21%. A quel moment est survenue cette baisse enfreignant l’annexe III à la convention collective, et sur décision de qui ? Comme par hasard, personne pour s’en souvenir, ni chez Audiens, ni côté patrons… Enfin, que sont devenues les sommes collectées et non-utilisées (4,9 millions d’euros sur les cinq derniers exercices alors connus) ? Dissoutes dans le flot servant à financer les prestations d’Audiens Prévoyance, majoritairement en faveur de salariés en poste. Un comble !

Et maintenant, retour au présent. Obtenue au terme de près de deux années de négociation laborieuse, la nouvelle annexe III – validée par le ministère du Travail, la direction de la Sécurité sociale et étendue à tout le périmètre de la convention collective, ce qui n’était pas le cas de la précédente – est censée sortir le régime de prévoyance pigistes des ornières dans lesquelles  on la vu  il était profondément embourbé.

Les prestations sont sensiblement améliorées. Le régime est enrichi d’une complémentaire santé relativement intéressante. L’information en direction des intéressés doit être revue et intensifiée. On peut donc légitimement penser que les journalistes pigistes et leurs proches vont être plus nombreux à bénéficier des indemnisations, en cas de maladie ou maternité notamment. Reste toutefois un obstacle : pour y avoir accès, il faut préalablement que la Sécu ait accepté de verser ses propres indemnités. Or, les critères qu’elle continue d’appliquer aux journalistes pigistes sont calculés selon une logique de travail régulier et une base de 39 heures hebdomadaires. Un seuil inatteignable dans la plupart des cas !

Lobstacle était connu, il est donc pris en compte dans la nouvelle annexe III. Ainsi, parmi les missions confiées au Comité paritaire de pilotage du nouveau dispositif, il y a la possibilité d’intervenir « auprès de la direction de la Sécurité sociale pour (…) trouver des solutions aux difficultés qui pourraient entraver le bon fonctionnement du régime mis en place ».

Mais voilà : deux ans après linstallation dudit Comité et plusieurs incitations venant du SNJ, rien n’a été fait. Comme on pouvait sy attendre, les premiers bilans du nouveau régime ne montrent guère d’amélioration dans la « consommation » des prestations de la prévoyance et les résultats restent donc très excédentaires. Avant même que l’on puisse reparler du projet de rencontrer la direction de la Sécu, ou envisager dutiliser les fonds disponibles pour relever le niveau des prestations tant en prévoyance qu’en complémentaire santé, patrons et Audiens ont tenté de faire passer en force une baisse des taux des cotisations. Avec le plus profond mépris de ce qui a été signé unanimement deux ans plus tôt !

Le SNJ a tout de suite réagi à cette forfaiture, par une lettre recommandée adressée à l’ensemble des « partenaires » sociaux, rappelant les termes précis de l’accord et dénonçant cette pseudo « décision » comme totalement illégitime. Qu’à cela ne tienne : la stratégie a été modifiée. Audiens ne toucherait pas aux taux, mais accorderait une « remise » en n’appliquant un taux d’appel que de 80% des cotisations prévues.

C’est l’histoire qui recommence ! Un dispositif qui ne fonctionne pas comme il devrait, mais dont on se garde bien de chercher à solutionner ce qui l’entrave. Le paritarisme mis sous l’éteignoir avec une Commission de suivi jamais réunie et un Comité de pilotage que l’on tente de placer devant le fait accompli. Une même finalité : la baisse de la contribution des entreprises et tant pis si les journalistes pigistes continuent dêtre les parents pauvres de la protection sociale et ne bénéficient pas de leurs droits. Au bout du compte, un énorme risque de voir se déliter complètement un dispositif que tout le monde disait pourtant novateur et porteur de progrès social.

Il est clair que le SNJ ne laissera pas cette histoire se réécrire, ni la nouvelle annexe III devenir guère plus qu’un chiffon de papier par la faute d’organisations patronales qui renient leur signature et de la coupable complicité d’Audiens ! Le SNJ va se battre sur le terrain syndical comme il compte aller aussi loin qu’il le faudra sur le terrain juridique. Ceux qui se rendraient complices, activement ou passivement, de cette trahison peuvent compter sur lui pour prendre publiquement la profession à témoin !
 

Paris, le 12 Février 2018

Thèmes : Précarité

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