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Communiqués de presse

[Fédération européenne des journalistes]

Ukraine : le photojournaliste Maks Levin a disparu, plusieurs journalistes ont été enlevés et forcés de "coopérer"


Plusieurs cas d'enlèvement de journalistes dans les territoires occupés d'Ukraine ont été signalés au cours du mois dernier. Certains ont été libérés, tandis que le photojournaliste ukrainien Maks Levin est toujours porté disparu depuis le 13 mars. La Fédération européenne des journalistes (FEJ) a condamné le ciblage délibéré des journalistes par les militaires russes et a dénoncé les tortures et les pressions exercées sur les journalistes et leurs familles afin de les faire coopérer.


« Ils m'ont sauté dessus par derrière, m'ont menacé avec des armes, m'ont tordu les bras et ont exigé que je m'agenouille. Ensuite, j'ai été interrogé par différentes personnes. Ceux qui menaient l'interrogatoire avaient le visage masqué ou, le plus souvent, gardaient la tête baissée et couverte ». Un journaliste du journal Novy Den, Oleg Baturin, a été le premier "disparu" dans la région de Kherson, le 12 mars. Il se rendait à ce qui devait être une courte réunion pour rencontrer une connaissance près de chez lui, laissant son téléphone et ses documents à la maison, lorsque ses proches ont perdu le contact avec lui. « J'ai compris que j'avais été capturé par des soldats de l'armée russe », parmi lesquels se trouvaient des membres du FSB [services de sécurité russes], a-t-il déclaré au Monde. Dans sa première interview après sa libération, le 20 mars, il raconte sa détention de huit jours, les coups, les interrogatoires, la privation de nourriture et d'eau, les menaces de mort.

« Ils voulaient briser, piétiner, montrer ce qui arrivera à tout journaliste : vous serez écrasé. Vous serez tué », a déclaré Oleg Baturin.

Les témoignages de journalistes retenus en captivité font état de conditions de détention tout aussi horribles. Un fixeur ukrainien travaillant pour Radio France a été détenu pendant neuf jours entre le 5 mars et le 14 mars. Renommé "Nikita" pour des raisons de sécurité, il a raconté à Reporters sans frontières (RSF) comment il a été battu avec une barre de fer, torturé à l'électricité, soumis à un simulacre d'exécution et privé de nourriture pendant « neuf jours d'horreur » dans la forêt et dans une cave. RSF rapporte que les soldats ont forcé Nikita à écrire et à signer une lettre dans laquelle il déclarait son soutien à l'armée russe et à l'invasion de l'Ukraine.

Un jour plus tard, la journaliste de Hromadske Victoria Roshchina a été détenue pendant neuf jours alors qu'elle se rendait à Mariupol. Après sa libération le 21 mars, les médias pro-russes ont partagé une vidéo enregistrée sous la contrainte, dans laquelle la journaliste nie avoir été retenue en captivité et affirme que les officiers lui ont sauvé la vie. Le média Hromadske a déclaré que cette vidéo était une condition de sa libération.

« L'armée russe recherche des journalistes »
« Il n'existe actuellement pas de "modèle" unique d'enlèvement de journalistes, mais une chose est claire : dans les territoires occupés, l'armée russe recherche des journalistes. C'est ce que prouvent absolument tous les collègues sur le terrain. Dans les régions, ils ont généralement des listes préparées. Pendant le siège de la région de Kiev, les soldats qui fouillaient les personnes et les locaux recherchaient la moindre mention de la profession de journaliste », a déclaré à la FEJ Sergiy Tomilenko, président de la NUJU.

« Nous avons enregistré des enlèvements de journalistes, comme dans les cas d'Oleg et de Victoria, ainsi que des sortes de 'pourparlers préventifs' destinés à les forcer à coopérer, à influencer la couverture médiatique avec de la propagande pro-russe. L'objectif principal est de supprimer la source d'informations objectives, afin de faciliter la manipulation de la population », a ajouté M. Tomilenko.

Généralement, l'armée russe se rend dans les bureaux et les appartements des journalistes et des propriétaires de médias pour faire pression sur eux ou sur leur famille pendant plusieurs heures, tout en fouillant et en confisquant les ordinateurs, les téléphones portables et autres équipements journalistiques.

Un avertissement pour décourager les reportages
C'est ce qui est arrivé à quatre journalistes travaillant pour MV-holding à Melitopol. L'éditeur Mykhailo Kumok, le rédacteur en chef Yevhenia Borian et les journalistes Yulia Olkhovska et Liubov Chaika ont été arrêtés par les forces russes le 21 mars. Ils ont été détenus dans un lieu secret après que des hommes armés se soient présentés à leur domicile. Selon le syndicat de la région, les autorités russes voulaient les forcer à coopérer. Les quatre représentants du média détenu par MV ont reçu un avertissement pour les dissuader de faire des reportages avant d'être relâchés dans la soirée.

Le 23 mars, des soldats ont également pris en otage le père de la directrice d'un journal et d'un site Internet réputés de Melitopol, Svetlana Zalizetskaya. Quelques jours auparavant, un "entretien préventif" avait eu lieu avec cette journaliste, à la suite duquel elle s'était rendue dans le territoire contrôlé par l'Ukraine. N'ayant pas trouvé Zalizetskaya, les occupants ont décidé de capturer son père. Ils ont exigé que la journaliste se présente à eux en personne en échange du retour de son père.

Maks Levin est porté disparu depuis le 13 mars
Tous les journalistes enlevés ont été libérés jusqu'à présent, à l'exception du photojournaliste et documentariste indépendant Maks Levin. La FEJ est extrêmement préoccupée par sa disparition, il y a 16 jours, près du village de Huta-Mezhyhirska, dans la région de Kiev. Le journaliste se rendait dans le village de Moshchun pour couvrir les affrontements entre les armées russe et ukrainienne. Levin est de nationalité ukrainienne et a collaboré avec Reuters, la BBC, l'Associated Press et d'autres médias internationaux. On suppose qu'il a été capturé par les troupes russes. La FEJ demande sa libération immédiate.

 

Paris, le 29 Mars 2022

Thèmes : International (FEJ, FIJ)

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