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LE SYNDICAT

États généraux de la presse écrite

Privilégier la qualité de l’information

Contribution du SNJ

Contribution du SNJ remise à Danièle Giazzi chargée par le président de la République de préparer un rapport en vue des Etats généraux

L’annonce faite par le Président de la République, de la tenue d’Etats généraux de la presse à l’automne 2008, était axée sur la nécessité pour les entreprises de presse d’améliorer leur santé économique. Le SNJ ne néglige évidemment pas les problèmes de diffusion de la presse quotidienne, ou de coûts de fabrication propres à ce secteur, mais cela ne constitue pas, à ses yeux, la question essentielle pour expliquer la crise et tenter de préparer l’avenir. Se contenter d’agir sur ces seuls points, en laissant l’attractivité des médias et la qualité des contenus continuer de baisser serait, au mieux passer à côté du sujet, au pire s’engager sur une voie contreproductive.

Retrouver la confiance. Alors que des études de plus en plus alarmantes, venant s’ajouter à des chiffres de diffusion en baisse constante, confirment la perte de crédibilité de la plupart des médias, principalement écrits, il est urgent de retrouver la confiance des citoyens (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, internautes...). Et donc remettre la qualité, l’indépendance et le pluralisme de l’information au cœur des préoccupations. Face au foisonnement quasiment illimité des informations jetées sans contrôle sur Internet, l’avenir des médias traditionnels passe d’abord, et surtout, par des stratégies de développement multimédia qui s’appuient sur les fondamentaux du journalisme : rigueur, déontologie, indépendance de l’équipe rédactionnelle, moyens donnés aux journalistes d’investiguer, de recouper et vérifier l’information, double lecture et validation par un journaliste secrétaire de rédaction quel que soit le support de diffusion...

Jouer la complémentarité. Le développement d’Internet n’est que la seconde « révolution numérique ». La première est survenue dans les années soixante, avec l’avènement de l’audiovisuel : radios et télévisions. Le déclin de la presse écrite vient de là parce que, déjà, nombre de titres n’ont pas su se positionner par rapport à ces médias émergeants. Ils se sont enfermés dans un réflexe de concurrence directe et primaire, plutôt que s’appuyer sur la spécificité de l’écrit (recul sur l’événement, analyse, styles d’écriture, choix de lecture et non déroulé linéaire, offre plus large...) et jouer la carte d’une intelligente complémentarité.

La leçon ne doit pas être oubliée à l’heure de cette nouvelle révolution numérique, beaucoup plus soudaine et rapide que la première. Le passage à Internet se limitant à un simple « copier-coller » ne peut servir qu’à « occuper le terrain », le temps de monter une politique ambitieuse qui mette les nouvelles technologies - et aussi des moyens humains suffisants - au service de l’information. Le souci de plus grande réactivité face à l’événement ne doit pas servir de prétexte à sauter des étapes de la chaîne éditoriale, et délivrer ainsi une information au rabais. L’internaute est loin d’avoir la fidélité des lecteurs de presse écrite d’antan ; il ne restera pas.

Une indispensable validation. La particularité de l’Internet par rapport aux médias « traditionnels » tient notamment en une participation beaucoup plus active des internautes à la collecte d’informations (forums, chats, images...). Cela n’en fait pas pour autant des journalistes. Ce lien exceptionnel et privilégié, qui s’instaure entre les sites et les internautes, et qu’on ne retrouve sur aucun autre support dans une telle dimension, doit se traduire par une validation des contributions par des professionnels de l’information. Comme c’est d’ailleurs déjà le cas sur la plupart des autres supports, ne serait-ce que pour des raisons d’ordre juridique et déontologique.

La déontologie enfin reconnue ? A chaque « scandales » médiatiques (affaires Grégory, Allègre, Outreau...), la question du respect de la déontologie revient sur la place publique. Une question qui serait en partie réglée si les organisations patronales n’opposaient pas le plus parfait mutisme aux demandes réitérées des syndicats de salariés d’annexer les chartes de 1918/38 et Munich à la convention collective des journalistes. Une démarche à laquelle le candidat Sarkozy avait pourtant été sensible, dans les réponses qu’il a adressées au SNJ lors de la campagne des élections présidentielles.

Les dérives déontologiques ne sont pas le seul fait de quelques journalistes « charognards ». La recherche effrénée du scoop, l’exploitation d’une curiosité souvent malsaine par rapport aux faits divers sordides, la surenchère de la concurrence posent la question de la responsabilité des hiérarchies rédactionnelles. Il ne faut pas non plus négliger l’effet dévastateur des coupes claires dans les effectifs des rédactions. Ainsi, il a été montré que sans ses trois plans de départs à la rédaction de La Voix du Nord, dus à des rachats successifs, le scandale médiatique d’Outreau n’aurait sans doute jamais existé.

Concernant Ie numérique, il est à souligner que, malgré leur « âge », les chartes précitées s’appliquent parfaitement à Internet sans qu’il soit besoin d’en réviser le contenu. Elles n’abordent pas les moyens ni les organisations, mais les fondamentaux de la profession sous forme de droits et de devoirs, valables pour n’importe quelle forme de presse.

La protection des sources. Ce sujet, évidemment central pour la qualité de l’information et l’indépendance des journalistes, est actuellement en discussion au niveau des Assemblées.

Plus de concentrations, moins de lecteurs. L’assouplissement de la réglementation sur les concentrations dans la presse est annoncé comme un des thèmes forts des Etats généraux. Pour avoir assisté, ces trente dernières années, à un véritable démantèlement de pans entiers de la presse quotidienne, le SNJ est très réservé sur ce qui peut en découler. Malheureusement, les concentrations ont été jusqu’ici synonymes de disparition de titres, et donc de perte de lecteurs. Qu’un seul journal survive là ou il y en avait deux auparavant, il ne retrouve jamais le total des deux lectorats. C’est une réalité économique ; c’est aussi un constat terrible pour la démocratie. Il prive le citoyen de choix et il confère un pouvoir exorbitant au média restant, par le choix qu’il fait de rapporter tel événement ou non.

La mutualisation des contenus. Corollaire des concentrations, la mutualisation des moyens et des contenus est une tentation d’autant plus grande que les technologies du multimédia lui donnent une singulière efficacité. Il ne faut toutefois pas perdre de vue les redoutables conséquences de cette mutualisation qui ont pour nom appauvrissement des contenus et disparition massive d’emplois. Là aussi, il est illusoire de croire que l’internaute va goûter longtemps l’information comme un « produit » unique, qui peut se « commercialiser » sans grande transformation sur tous supports possibles, imaginables, et si possible lucratifs. La pérennisation des entreprises passe par un développement multimédia, pas forcément basé sur des rédactions dédiées, mais au minimum une chaîne éditoriale propre à chaque support de diffusion, son rythme, son écriture spécifique, et son nécessaire processus de validation.

Formation : peut mieux faire. Notre profession est réputée « ouverte » et il n’y a pas besoin d’être diplômé en journalisme (ni même d’avoir été formé) pour devenir journaliste. Pour autant, elle témoigne d’un réel investissement dans la formation « tout au long de la vie », au travers de la CPNEJ et du processus de reconnaissance des formations initiales. A la question « dans un tel contexte, estimez-vous que les entreprises aient suffisamment recours à la formation continue pour les journalistes ? », la réponse est hélas non. Et il est regrettable que les formations journalistiques servent plus aux dispositifs de reconversion qu’à l’enrichissement des journalistes en place. Concernant le multimédia, les formations sont souvent trop sommaires lors du passage sur un support différent. Il nous semble qu’un cursus complet et de qualité est indispensable avant d’envisager le passage à la polyvalence.

Assurer la stabilité sociale. Comment mettre le journalisme comme principal acteur du développement du multimédia alors qu’un cinquième des journalistes sont en situation de précarité ; que deux tiers des pigistes vivent cette situation comme étant imposée plutôt que choisie. Les conséquences sont inévitables sur la qualité des contenus, ces confrères, souvent jeunes, étant naturellement fragilisés et soumis à toutes les pressions. Le différend en cours avec les éditeurs, sur la question de l’accès des pigistes à la formation conformément à la loi de 2004, ne fait qu’aggraver la situation. La négociation se poursuit dans le cadre d’une commission mixte paritaire décidée par le ministre du Travail. Mais, même cela ne semble pas vouloir suffire pour débloquer la situation.

Les aides à la presse à revoir. Le système actuel privilégie paradoxalement ceux qui en ont le moins besoin. Il nous semble indispensable de revoir les critères d’attribution, à la fois sous l’angle de la qualité des contenus et de la gestion sociale des entreprises de presse puisqu’elles sont - on l’a vu - directement liées.

Paris, le 11 Juillet 2008

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