Alerte à la casse sociale et éditoriale dans la presse écrite régionale

Alerte à la casse sociale et éditoriale dans la presse écrite régionale

La presse écrite va mal. Ses salariés en font les frais. Sur fond de chantage à l’emploi, alors que des plans dits de « sauvegarde » de l'emploi sont en cours au Dauphiné Libéré, à Paris-Normandie ou encore à Sud-Ouest, les éditeurs de la presse quotidienne régionale, regroupés sous la bannière de l’Alliance (APIG), ont engagé une stratégie de remise en cause des acquis et d’abandon de territoires qui interroge, dans le contexte actuel d’incertitude politique.

Plan de départs volontaires à La Montagne, démarches de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) prétextes à des « guichets ouverts », comme à Midi Libre ou à La Provence, ces destructions d’emplois qui se multiplient affaiblissent les rédactions et affectent la mémoire des journaux.

Sur le plan salarial, à défaut d’accord de branche, les négociations sur les salaires renvoyées aux entreprises sont plutôt mal parties, à l’image de la situation à Ouest France, qui a justifié une grève avec non-parution ce 21 juin, une mobilisation inter-catégorielle exemplaire qui a permis d’arracher une augmentation de 50€ mensuels, après plusieurs années blanches.

Malgré une inflation à un niveau historique depuis deux ans, les salariés de la presse quotidienne régionale n’ont d’autre perspective qu’un quasi-gel des salaires, et une paupérisation de leurs métiers. Et la situation est historiquement pire, dans la presse quotidienne départementale, comme en presse hebdomadaire régionale. Voilà comment les patrons de presse font payer à leurs salariés leurs propres erreurs stratégiques, dans la quête d’un modèle économique qui n’a toujours pas passé le virage du numérique.

Dans le même temps, les employeurs ont engagé un travail de sape coordonné sur les acquis, les jours de congés et de RTT notamment, en dénonçant les accords, et en instaurant des rédactions à deux vitesses avec la stratégie du « groupe fermé » (conditions moins-disantes pour les nouveaux embauchés).

Cette politique de casse sociale ne va en rien améliorer l’attractivité des quotidiens régionaux qui peinent déjà à recruter, voire font fuir les jeunes journalistes, diplômés sortis d’école à bac+5.

L’introduction de logiciels d’intelligence artificielle générative, notamment dans le processus de relecture, réécriture, mise en forme des contenus, ne peut qu’inquiéter sur les perspectives en terme d’emploi. Les services de secrétariat de rédaction et de desk sont clairement dans le collimateur, au motif que les impératifs d’audience (gratuite) ont pris le dessus sur la nécessaire qualité des contenus (payants).

Première organisation de la profession, le SNJ appelle les rédactions à se mobiliser pour défendre leurs acquis, leur rémunération, leurs droits aux congés, à un temps de travail décent, à une formation professionnelle digne de ce nom et à des conditions d'exercice de la profession acceptables.

Basées sur les réductions de masse salariale, ces stratégies patronales ne permettront pas d’inverser l’inexorable chute des ventes papier, plombées par des réseaux de diffusion défaillants. S'étant réveillés bien tard sur le web, les éditeurs qui ont entamé une « rationalisation » des imprimeries avec l’appui financier de l’Etat, ont « oublié » d’investir dans les réseaux de distribution de leurs abonnés.

L’heure est au désengagement du journal papier, considéré comme trop coûteux, au profit d’un modèle numérique qui tarde à décoller, mais aussi à l’abandon des territoires considérés comme « non rentables ». Fermetures d’agences, regroupements d’éditions, petit à petit des déserts d’information locale se font jour.

Cette désertion n’est pas acceptable de la part d’entreprises qui perçoivent des millions d’euros d’aides à la presse, justement pour garantir le pluralisme, et un maintien de la couverture en information locale de tous les territoires. La casse sociale sera aussi éditoriale, et c’est une très mauvaise nouvelle dans le contexte politique actuel.

Paris
Samedi 29 juin 2024
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