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Section SNJ Provence

La Provence

Gilets jaunes à "La Provence" : on arrête de rire


Gilets jaunes, journée noire... La Provence vient de vivre un épisode à la fois pitoyable et inquiétant. Durant deux heures, samedi après-midi, le journal s'est retrouvé en état de siège. Avenue Roger-Salengro, plusieurs centaines de gilets jaunes en colère ont manifesté bruyamment contre la réunion d'autres gilets jaunes, rassemblés dans la partie industrielle de l'entreprise à l'invitation de notre actionnaire majoritaire. Les quatre vigiles embauchés pour l'occasion se sont vite retrouvés dépassés, à l'instar de la direction de La Provence. Laquelle aurait dû être tout sauf surprise, le SNJ (et les autres syndicats de la rédaction) l'ayant mise en garde des risques qu'elle faisait courir à notre titre et à ses salariés. Nous n'enlevons pas une ligne aux deux communiqués déjà envoyés sur le sujet.

Heureusement, les forces de police qui encadraient la manifestation, partie du centre-ville de Marseille dans la matinée, ont assuré tant bien que mal la sécurité du journal. Heureusement, oui, nous n'avons pas eu à déplorer de blessés ou de dégradations. Mais tous ceux qui étaient présents ont pu constater qu'on n'est pas passé loin d'un incident... Comment en est-on arrivés là ? En une journée, les mensonges et approximations se sont accumulés. Selon Libération, le PDG Jean-Christophe Serfati a affirmé que « les journalistes du titre avaient été consultés et ne s’étaient pas opposés à la venue des gilets jaunes ». Quand ? Et qui ?

Ce matin, sur France Bleu Provence, Bernard Tapie, qui a décidé seul d'organiser cette réunion de gilets jaunes, en a rajouté une couche, en estimant que « les syndicats et le comité d'entreprise (sic) ont donné leur accord ». Quand ? Et qui ?

Rappelons que notre PDG n'a communiqué en interne que le vendredi 4 janvier à 17h41, de façon très lapidaire. Soit à peine quelques heures avant que les premiers gilets jaunes ne débarquent à La Provence. Le matin même, le SNJ, inquiet des bruits de couloirs qui circulaient, avait pourtant exprimé ses réticences devant Jean-Christophe Serfati : confusion sur le rôle de la rédaction, remise en cause de la neutralité du titre, risques pour la sécurité des personnes au siège comme dans les agences... Franz-Olivier Giesbert, toujours dans Libération : « La ligne éditoriale n’a pas changé à ma connaissance ».

A l'issue de cette réunion, pourtant, plusieurs "gilets jaunes invités" ont annoncé que La Provence allait leur consacrer « deux pages par semaine pendant un mois, dans lesquelles on publiera ce que l'on veut ». Ce qu'a confirmé ce matin Bernard Tapie sur France Bleu Provence, ces deux pages hebdomadaires devant être dédiés à "l'expression des gilets jaunes"... Difficile, dans ces conditions de dire que la ligne éditoriale, resterait inchangée. Nous espérons donc que la direction s'est bien assurée que ce mouvement a les garanties financières pour payer ces pages de publicité, étant entendu qu'il est inenvisageable que la rédaction participe de près ou de loin à cette opération de propagande... tout en rappelant que la publicité politique est en théorie interdite dans nos colonnes.

Syndicat majoritaire de la rédaction, le SNJ affirme sa détermination à défendre les intérêts et l'indépendance de l'entreprise et de ses salariés, qui ne sauraient être impliqués dans des jeux politiques qu'ils ne maîtrisent pas. Alors que les finances de l'entreprise sont dans le rouge, au point qu'on nous refuse des NAO à hauteur de l'inflation, combien a coûté cette manifestation entre l'emploi de vigiles, la fourniture de locaux, la prime d'assurance supplémentaire, les collations et la réquisition de salariés de La Provence en heures supplémentaires ? Que sait-on de la légalité de cette opération initiée par le seul actionnaire majoritaire, en dehors de tout objet social de l'entreprise ? L'actionnaire minoritaire Nethys a-t-il été consulté ? N'y a-t-il pas un risque de poursuites pour "abus de biens sociaux", question d'ores et déjà apparue dans la presse ?

En se lançant de manière inconsidérée dans cette aventure, à quel moment a-t-on pris en compte les risques pour les salariés qui travaillaient ce samedi au siège de La Provence, dont certains ont dû se présenter en retard à leur poste, avec une entrée sous protection policière ? A-t-on pensé aux journalistes en région, qui doivent déjà faire face aux interpellations parfois violentes des gilets jaunes et risquent de trouver en porte-à-faux dans les prochains jours ? Pourquoi avoir mis dans une situation impossible les journalistes qui ont "couvert" cette opération acrobatique ? Enfin, jusqu'à quand la direction de l'entreprise et celle de la rédaction vont-elles se plier aux facéties et caprices de Bernard Tapie, qui enfile un gilet jaune - sans doute pour servir ses intérêts personnels - mais affiche son mépris pour les salariés de l'entreprise dont il est actionnaire ?

Ce matin, sur France Bleu Provence, il n'a pas caché son intention de récidiver : selon lui, Jean-Christophe Serfati et Franz-Olivier Giesbert « ont fait ce que je ferais si demain Jean-Luc Mélenchon me le demande ; on doit mettre des locaux à la disposition des mouvements politiques du moment qu'on ne prend pas parti ; cela fait partie de nos devoirs ». Pourquoi, tant qu'on y est, ne pas accueillir demain la Manif pour tous, le Parti animaliste, Dieudonné, l'Action française ou des groupuscules crypto-trotskistes ?

Nos lecteurs et partenaires commerciaux apprécieront sans doute cette nouvelle piste de diversification... Nous demandons instamment aux directions du journal et de la rédaction d'arrêter cette mascarade et d'assumer leurs responsabilités. La Provence n'est pas un jouet, où un actionnaire sans statut de gestion décide et où les responsables s'exécutent. C'est un journal dont la mission, les salariés et les lecteurs doivent être respectés. Et si Bernard Tapie veut de nouveau inviter des gilets jaunes « pour qu'ils se structurent », qu'il le fasse chez lui : dans son hôtel particulier de la rue des Saints-Pères ou dans le jardin de sa villa de Saint-Tropez...

 

Marseille, le 07 Janvier 2019

Thèmes : Indépendance

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