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Communiqués de presse

Identification des journalistes : toute nouvelle contrainte pèserait indéniablement sur la qualité de l’information


Le SNJ, première organisation de la profession, a lu cette déclaration lors d'une réunion du groupe de travail sur l'identification des journalistes, le 27 septembre, au ministère de la Culture.



Le rapport Delarue a mis en exergue des difficultés relationnelles entre journalistes et forces de l’ordre et rappelé que la profession devait pouvoir exercer librement sa mission d’informer (notamment après la décision du Conseil d’Etat censurant les dispositions contraires au libre exercice de la profession, contenues dans le Schéma national du maintien de l’ordre). Alors que la mise en œuvre effective des 32 préconisations du rapport se fait attendre, le ministère de la Culture a décidé d’engager une série de réunions à propos de l’identification des journalistes en manifestation (recommandation n°23).

Lors d'une première réunion du 23 juillet 2021, tous les acteurs (syndicats de journalistes, employeurs, ministère) ont réaffirmé leur attachement à la carte de presse, qui est l’un des moyens de déterminer la qualité de journaliste professionnel. La CCIJP, qui délivre la carte de presse depuis 1936, ne saurait être remise en cause par l’instauration d’une carte de presse spéciale manifestation, proposition qui a d’ailleurs été écartée.

En France, la carte de presse n’est pas obligatoire pour exercer la profession de journaliste. Le Code du travail définit dans l'article L. 7111-3 : « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».

En aucun cas, un système d'attestation auto-déclarative pour les journalistes couvrant les manifestations ne constitue une voie de sortie permettant d’identifier les journalistes. Il s’agit d’une fausse bonne idée que la profession ne peut cautionner.

Les faits récents ont clairement montré que des journalistes ont été pris à partie par des forces de l’ordre voire même empêchés d’exercer leur mission d’informer alors qu’ils étaient clairement identifiés et identifiables : carte de presse, appareil photo, brassard ou dossard, à distance des forces de l’ordre et des manifestants, participant à un événement en tant qu’observateur.

Nous ne voyons pas ce qu’apporterait une identification des journalistes alors que bon nombre d’entre nous, dûment connus et reconnus, sommes déjà entravés dans notre travail.

Nous ne comprenons pas cet empressement sur l’identification des journalistes alors que nous n’avons aucune nouvelle des autres recommandations de la commission Delarue. Encore récemment, des confrères et des consoeurs se sont vus refuser des demandes de reportage au sein de la police ou de la gendarmerie (recommandation n° 18).

Au sujet du SNMO, pour lequel le SNJ et le SNJ-CGT ont introduit un recours victorieux au Conseil d’Etat, nous ne comprenons pas non plus pourquoi la profession n’est pas associée à la discussion sur la rédaction d'un nouveau texte, censé être présenté en novembre prochain.

Le SNJ estime que toute tentative d’encadrer, par quelle que manière que ce soit, l’identification des journalistes en manifestation constitue une ingérence - en toute illégalité - dans le droit de la liberté de la presse en France. Le journaliste ou toute source qui contribue à faire éclater la vérité joue un rôle essentiel de chien de garde public dans nos sociétés démocratiques.

Un dialogue nécessaire doit s’instaurer entre journalistes et forces de l’ordre comme le préconisent les recommandations n°16, 17 et 32 du rapport Delarue  avec notamment la mise en place d’un canal de communication. A ce jour, aucun référent ni national, ni régional n’a été nommé. Il nous semble primordial de commencer par cette phase préalable de discussions. C’est d’ailleurs ce que préconise aussi l’Union européenne.

En Europe, près d'un incident sur trois se produit lors de manifestations: c'est dans ce contexte que les journalistes ont été le plus fréquemment agressés en 2020. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et Věra Jourová, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence, ont ainsi appelé les États membres à améliorer la sécurité des journalistes dans l'ensemble de l’Union européenne.

La France, qui doit prendre à compter du 1er janvier 2022 la présidence de l’Union européenne, ne peut pas agir en opposition à ses propres textes. La patrie des droits de l’Homme ne peut continuer à mettre en place des dispositifs liberticides, alors que la Commission européenne présentera en 2022 une législation européenne sur la liberté des journalistes, visant à préserver l'indépendance des médias.

Le SNJ, première organisation de la profession, ne comprend pas cette frénésie à vouloir à tout prix identifier les journalistes. Tout professionnel des médias doit pouvoir exercer sa mission d’informer dans un intérêt public général, sans être inquiété par les forces de l’ordre. Il s’agit avant tout d’un problème du maintien de l’ordre dont les journalistes ne sauraient être tenus pour responsables.

Un système auto-déclaratif qui pourrait permettre aux personnes sans cartes de presse ni attestations employeurs représente un risque sans précédent, car il reviendrait in fine à un mécanisme d’accréditation (à laquelle s’oppose la commission Delarue dans sa recommandation n°22). L’exception risque de devenir la règle à toute la profession. Pour nous, c’est tout bonnement impossible, impensable et dangereux pour la démocratie.

En conclusion, le SNJ refuse et refusera toute nouvelle disposition d’identification des journalistes. Dans nos rédactions, le journaliste doit déjà s’accréditer par ci, demander au service communication par là, et même s'équiper de protections pour travailler ! Aucun exemple n’a jamais été produit d’usurpation de la qualité de journaliste. Toute nouvelle contrainte pèserait indéniablement sur la qualité de l’information, déjà mise à mal en France, alors que s’ouvre la campagne pour l’élection présidentielle et les élections législatives.

 

Paris, le 27 Septembre 2021

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