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Section SNJ AFP

Le Conseil supérieur de l’AFP se saisit du dossier AFP-Services


Le PDG de l'AFP, Fabrice Fries, et le directeur de l’information, Phil Chetwynd, ont présenté en Comité social et économique (CSE) les mesures qu’ils ont arrêtées pour « établir une relation claire et transparente » entre l’AFP et sa filiale de production de contenus à la demande, notamment promotionnels, AFP-Services. Les nouvelles règles de fonctionnement édictées s’appuient sur une charte de « principes déontologiques et bonnes pratiques » que devront désormais suivre les collaborateurs d’AFP-Services.

Certaines des mesures prises paraissent cependant cosmétiques, baroques voire insincères. L’ensemble ne nous paraît pas de nature à mettre fin au préjudice que causent les activités d’AFP-Services sur l’image de l’AFP, en raison du soupçon voire du risque de mélange des genres entre information et communication/publicité.

La procédure de saisine du Conseil supérieur de l’AFP lancée le 8 janvier par les syndicats nationaux de journalistes pour mettre fin à ce préjudice garde donc toute sa pertinence et son actualité. Le point est d’ailleurs à l’ordre du jour de cette instance de gouvernance ce jeudi 6 février après-midi.

Plusieurs points, parmi beaucoup de questions sans réponse, continuent d’attirer particulièrement notre vigilance.

  1. Deux décisions visent à « invisibiliser » le lien entre l’AFP et AFP-Services, qui est pourtant sa filiale à 100%. La première est le changement de nom : constatant enfin « un risque latent de confusion entre l’agence de presse AFP et sa filiale de services corporate » dénoncé depuis des années par les organisations syndicales, le PDG a décidé d’une dénomination « qui ne reprendra pas le nom AFP ». En outre, dans l'attente du changement de nom de la filiale, dans un délai qui n’est pas connu, « toute la production AFP-Services doit être en marque blanche et porter le nom du client. Aucun contenu produit par AFP-Services ne doit afficher le nom de la marque AFP. Il pourra afficher le prochain nom d’AFP-Services quand le mot AFP en aura été retiré. » Pour nous, le changement de nom envisagé et la promesse de travailler uniquement en marque blanche risquent d’être des pis-aller qui ne feront que souligner le problème de fond : l’AFP, agence d’information, n'a rien à voir avec le commerce d’AFP-Services. En outre, il est paradoxal de parler de « transparence » alors que l’activité d’une filiale sera, par essence, de plus en plus dissimulée puisque le nom AFP n’y figurera plus : s’agit-il d’illustrer l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés » ? Du reste, si le PDG assume cette double décision, il s’est interrogé ouvertement sur son caractère « radical », en se demandant si elle ne risquait pas de compromettre le développement de l’activité d’AFP-Services. Et de fait, il est probable que certaines entreprises seront moins enthousiastes à l’idée de faire appel aux services de la filiale de production de contenus corporate de l’Agence si elles ne peuvent plus y associer le sérieux de la marque AFP…
     

  2. La charte de « principes déontologiques et bonnes pratiques » propre à AFP-Services tente de traduire pour cette filiale des règles déjà en vigueur à l’AFP. Mais, par essence, cette transposition n’a à peu près aucun sens : l’éthique journalistique s’applique au journalisme, pas à la communication. Or il est écrit dans cette charte, sous un intertitre « exactitude et vérité », que du contenu promotionnel commandé par une entreprise « doit être factuellement correct ». Quel rapport avec les faits peut bien avoir une campagne vantant la démarche de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de Coca-Cola ou une autre glorifiant les formations internes de McDonald’s ? Réponse de la charte : « AFP-Services ne doit pas accepter de fournir du contenu qui présenterait à tort comme « verte » une entreprise polluante » MAIS « il peut produire du contenu sur un projet particulier mené par cette entreprise en faveur de l’environnement ». Comprenne qui pourra...
     

  3. Les nouvelles mesures ne disent presque rien de l’activité de Media-Services, filiale à 100% d’AFP-Services dont l’objet est de fournir des contenus éditoriaux à la demande à des clients français comme Orange ou Boursorama. Comme le dit la lettre de saisine du Conseil supérieur, « ce travail d’animation éditoriale est parfois complété par du contenu émanant de sources externes à l’AFP (pick-up d’autres médias). Il est même apparu à plusieurs reprises que Media-Services s’était fait l’écho d’informations que l’AFP avait décidé de ne pas relayer, les jugeant insuffisamment étayées voire de nature à répandre des rumeurs infondées, exposant ainsi l’Agence à des protestations contre un manque de fiabilité. C’est l’image de marque de l’AFP qui est fragilisée par ces usages ». Qu’en pense la direction de l’information ? Pas grand-chose, selon ce qu’il est ressorti des débats au dernier CSE…


Fondamentalement, la question qui se pose est la suivante : l’AFP doit-elle continuer à assurer, à travers AFP-Services, une activité qui n’a rien à voir avec son métier, et a fortiori avec les « obligations fondamentales » que son statut lui assigne (article 2 : fournir « une information exacte, impartiale et digne de confiance ») ?

Le fait que cette activité constitue un relais de croissance – faible, au demeurant – pour contribuer au rétablissement des comptes de l’Agence ne nous paraît pas un argument suffisant, eu égard aux menaces avérées qu’elle constitue pour la réputation de l’AFP.

En l’état, nous pensons que le scénario d’une cession d’AFP-Services devrait être sérieusement envisagé.
 

Paris, le 06 Février 2020

Thèmes : Indépendance

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