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Communiqués de presse

Oui, Radio France a le choix !


Journalistes des radios publiques, ils s'inquiètent du plan de restructuration : « Moins de salariés, moins de productions aujourd'hui, c'est prendre le risque de s'entendre dire demain que l'on ne produit plus assez, plus assez bien ». Tribune publiée le 29 novembre dans Libération.



Nous, journalistes de la radio de service public, avons le devoir de dénoncer cette opération de désinformation que l’on entend en boucle : «Radio France n’a pas le choix». Les économies budgétaires seraient aujourd’hui nécessaires à sa survie et elles participeraient, comme pour les autres services publics, à un juste effort national.

Jusqu’ici, Radio France a réussi à faire autant avec moins. Nous produisons 100 % de nos contenus en interne. Et pourtant, depuis 2015, 280 emplois ont été supprimés discrètement au fil des départs à la retraite. Radio France assume un tiers du coût de son chantier de réhabilitation, chantier qui sera au final trois fois plus cher que le budget prévu initialement. Preuve des efforts réalisés et du retour à l’équilibre financier avec un bilan excédentaire de 7,3 millions d’euros, nous avons même rendu de l’argent à l’Etat en payant l’an dernier 1,6 million d’euros d’impôt sur les sociétés.

Aujourd’hui, le plan de restructuration entraînerait un nouvel alourdissement de la charge de travail, mais cette fois pour une production bel et bien amoindrie. Supprimer 299 postes sur environ 4 600, cela ne fait, nous direz-vous, «que» 6 % de la masse salariale. Mais si l’on regarde les postes concernés, ce sont 14 % des emplois dits «cœur de métier» qui sont ciblés : journalistes, techniciens, réalisateurs, documentalistes, musiciens. Vous, auditeurs, écouterez donc plus de rediffusions, moins d’émissions élaborées, et une information inévitablement affaiblie. Que restera-t-il à podcaster ? Que produirons-nous encore qui soit d’assez bonne qualité pour durer ? Nous venons de célébrer les vingt ans d’Interception, magazine de grand reportage de France Inter. De quoi serons-nous fiers dans vingt ans ?
 

De la valorisation des contenus

Sur le numérique, la direction choisit d’investir 20 millions, pour combler un soi-disant retard de Radio France en la matière. Que dire alors des 55 millions de podcasts mensuels ? Si nous sommes «en retard», vous seriez donc plus de 55 millions à podcaster tous les mois des contenus de l’ancien monde ? Au contraire, nous pensons que votre choix est la preuve que nous savons non seulement produire pour le numérique et que nous nous sommes adaptés à la modernité, mais que nous savons aussi valoriser nos contenus sur les réseaux. Nous mettons déjà en ligne nos propres journaux, nous twittons et instagrammons nos reportages, les filmons, tout en continuant à faire de la radio. Certains d’entre nous lancent même leur série de podcasts natifs. La question pour nous est plutôt : 20 millions pour quoi faire ? Car dans le plan de la direction, cet investissement n’est même pas fléché. Pire, il menace les journalistes de devenir des producteurs de contenus médiocres faute de moyens et de vision, parfois même au détriment du développement de la radio elle-même.

Quant aux autres métiers explicitement visés dans le plan de départ – nos collègues de la paie, du ménage, de la sécurité ou de la reprographie –, pour nous, ils font partie intégrante de la Maison de la radio. La perspective d’une externalisation de ces missions, après avoir saigné les services, génère déjà des risques psychosociaux majeurs que la direction refuse de voir. Sibyle Veil aurait-elle déjà oublié cette salariée en larmes expliquant qu’elle remplaçait déjà quatre de ses collègues absentes ? C’était le jour de la présentation du grand « plan stratégique Radio France 2022 »…
 

Rester un service public

Moins de salariés, moins de métiers, moins de productions aujourd’hui, c’est prendre le risque de s’entendre dire demain que l’on ne produit plus assez, plus assez bien. Que l’on n’est plus assez unique pour rester un service public. Que l’on peut donc disparaître au profit du privé. Ce qui est en jeu pour nous, c’est donc impérativement de rester d’utilité publique.

Pour toutes ces raisons, nous l’affirmons : oui, nous avons le choix. Le choix de vous offrir une radio d’information de proximité et d’ouverture sur le monde entier, des productions numériques de qualité, des enquêtes indépendantes qui dérangent, des émissions et des actions pédagogiques en direction des publics les plus éloignés de l’information et de la culture, de l’info en continu et des magazines de reportage au long cours, des sons d’archives historiques et la découverte de nouvelles voix.

Radio France coûte moins de 25 euros par an aux foyers qui paient la redevance audiovisuelle. Non, Radio France n’est pas chère mais elle est précieuse. Son existence même est un choix de société.
 


Cette tribune a reçu le soutien des syndicats SNJ, SNJ-CGT, FO Journalistes, SUD de Radio France et des Sociétés des journalistes des rédactions nationales et locales de Radio France.

 

Paris, le 29 Novembre 2019

Thèmes : Grève

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