FRANCE TELEVISIONS

Double faute

Double faute

C’est une erreur journalistique qui ne peut rester sans commentaire. Samedi après-midi, la chaîne Franceinfo a titré « otages » à la place de « prisonniers », en évoquant la libération de Palestiniens dans le cadre de l’accord de « cessez-le-feu » dans la bande de Gaza. Depuis, les salariés de la chaîne, comme l’ensemble du groupe, se retrouvent pris dans deux tourmentes.

La première est éditoriale, et pose à nouveau la question de la maîtrise de l’antenne à Franceinfo comme ailleurs. Les chaînes d’info en continu, dans le groupe France Télévisions ou dans le privé, sont loin d’être les seules à commettre régulièrement des erreurs à l’antenne.

A Franceinfo, un cadre a été immédiatement suspendu samedi, et la direction a annoncé ce lundi midi, lors d’une réunion avec les représentants syndicaux, « l’ouverture d’une enquête interne afin de déterminer les responsabilités ».

Mais l’erreur de samedi mérite qu’un débat essentiel soit ouvert à nouveau, au-delà de victimes expiatoires. C’est bien toute la chaîne de fabrication qu’il faut examiner, ainsi que l’organisation de Franceinfo, et son sous-effectif chronique. Ce travail est nécessaire, sauf à vouloir faire de cette erreur un cas unique, ou d’interpréter cette affaire de manière politique… et il y aurait alors beaucoup à dire sur le traitement du conflit depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023 jusqu’à aujourd’hui. Un traitement complexe, qui fait débat dans nos rédactions.

L’autre tourment vient de la manière dont la direction a géré les attaques dont le service public a été victime depuis samedi, notamment sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnalités de différentes formations politiques, habituées des « coups de pression sur les rédactions », ont rapidement commenté le titre erroné. La députée Caroline Yadan, élue dans la 8e circonscription des Français établis hors de France, a même exigé un licenciement immédiat à Franceinfo. La directrice de la communication corporate de France Télévisions lui a répondu, sur un ton complice et avec un cœur en smiley, en écrivant le message suivant : « on a immédiatement réagi Caroline : la direction de l’info et ftv ont été des Lucky Luke ».

Face aux pressions politiques de tout bord, en particulier sur un sujet d’actualité aussi clivant, les dirigeants de l’entreprise ne peuvent afficher une telle proximité, et choisir de répondre positivement à un « camp » plutôt qu’à un autre. Cette attitude est dangereuse et alimente les thèses des contempteurs du service public, toujours prompts à dénoncer l’information « sous contrôle politique » de France Télévisions. Cela fragilise notre travail collectif et met en danger nos rédactions.

Ce lundi midi, le directeur de l’Information Alexandre Kara, n’a pas souhaité commenter ce message de la directrice de la communication corporate mais a dit « comprendre qu’il suscite le trouble ». Il a également affirmé que les rédactions de France Télévisions « travaillent sans engagement partisan, et veillent à l’équilibre sur tous les sujets ».

Cette affaire aurait dû être prioritairement gérée en interne. La direction demande avec insistance aux salariés de maîtriser leur communication sur les réseaux sociaux et là… l’erreur vient du sommet de la hiérarchie.

Quand une direction sanctionne pour des manquements professionnels, il serait bon qu’elle le fasse avec recul et équitablement. Ajoutons enfin que d’autres rédactions ont commis la même erreur le week-end dernier, sans être attaquées avec la même violence que celle de Franceinfo. Cela aussi doit poser question et faire l’objet d’une réflexion collective.

Paris
Lundi 27 janvier 2025
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