France TV : du recyclage au détournement
Un reportage intitulé « Aéroports : L’enfer du bruit pour les riverains » a été diffusé dans le 13 Heures de France 2 du 9 mai 2023 pour annoncer une manifestation nationale contre les nuisances aériennes prévue en fin d’après-midi. Le reportage démarre par le témoignage d’une habitante de Sannois, dans le Val-d’Oise. Il semble avoir été tourné le matin ou la veille. Ni le récit, ni les synthés, ni le lancement ne font référence à une quelconque archive. Le 13 Heures avait repéré la séquence dans un sujet diffusé le matin même sur France Info. Et pourtant... Ce témoignage tourné par la BEX de Cergy-Pontoise a été diffusé sur France 3 Paris IDF en mars 2022, il y a plus d’un an !
L’utilisation d’éléments, voire de bouts de sujets, tournés par différentes équipes envoyées en différents lieux, pour être ensuite assemblés en un unique reportage, est devenu la marque de fabrique de nos JT nationaux. Et si on manque de personnels, on pioche allégrement dans l’assiette du voisin, ça ne coûte rien. C’est tout l’art du recyclage journalistique.
Un exercice qui peut se justifier lorsque, comme ici, on parle de problématique nationale : « la force du réseau » révèle alors toute son utilité. En revanche, utiliser un témoignage vieux de 14 mois dans un round up tient plus du désherbant déontologique que de l’exercice journalistique.
Comment va cette dame aujourd’hui, ses propos sont-ils toujours d’actualité, est-elle toujours en vie, habite-t-elle encore dans le Val-d’Oise ? Peu importe, l’interview est en libre-service dans les serveurs France TV. Pourquoi se gêner, l’essentiel est dans la force de son témoignage. Alors pour actualiser le propos, pas de synthé sur le témoignage (comme si c’était un micro-trottoir), pas de signalement archive, pas de date...
Ce type de réutilisation, sans égard pour les téléspectateurs et encore moins pour les personnes qui acceptent de témoigner sur nos antennes est indigne du service public.
Le reportage, dont la force vient du témoignage de cette dame, a été rediffusé le soir même dans le 19/20 national, toujours sans synthé, ni mention d’archive. Cerise sur le gâteau et pour boucler la boucle, le même reportage a été deské dans le 19/20 de France 3 Paris IDF. L’encadrement du jour pensant que c’était un sujet « frais » trouvait dommage de se priver d’une telle attaque, si bien tournée par les équipes de France 2 !!! Nous avons donc remonté et diffusé un reportage recyclé et déontologiquement trompeur alors que nous étions producteurs de l’original...
L’utilisation de reportages, voire des rushes sur des serveurs en libre-service dans les différentes antennes de France TV, ne peut que conduire à ce genre de travers. Sans garde-fou, sans règles précises, nous nous condamnons à l’autophagie, consommant ad nauseam nos productions, les remontant, les recoupant dans tous les sens jusqu’à en perdre l'essence.
Le SNJ alerte une fois de plus la direction sur le mauvais usage de Dalet (serveur de stockage des rushes) et la violation des règles inhérentes à son utilisation. Le partage des rushes entre rédaction, le traitement des archives à la doc, la mutualisation des moyens ne peuvent servir notre mission d’information de service public qu’en respectant les règles journalistiques. D’autant que ces pratiques contreviennent aux dispositions de l’accord groupe « droits d’auteurs » du 3 mai 2007.