Le Directeur Général a coupé le micro

Le Directeur Général a coupé le micro

Communiqué intersyndical des élus SNJ, CFE-CGC et SNRT-CGT d'Euronews

Lundi dernier, le 6 octobre, la section SNJ a adressé au Directeur général d’Euronews, ainsi qu’aux trois autres responsables éditoriaux, une liste de questions sur l’ITW du Premier ministre israélien. Nous estimions que cette interview avait simplement tendu le micro à Benjamin Netanyahu sans contradictoire.

Nous interrogions la direction sur l’absence de référence au mandat de la CPI qui court contre Benjamin Netanyahu depuis novembre 2024 ; sur l’omission du fait que les journalistes ne pouvaient pas faire leur travail à Gaza ; sur l’absence de contextualisation européenne (à savoir : 15 pays sur 27 ont reconnu ou envisagent de reconnaître l'Etat de Palestine), dans une interview à forte portée politique. Nous avons demandé une réponse urgente, en comptant bien poursuivre le dialogue et défendre la neutralité, le pluralisme et le débat contradictoire, inscrits dans notre Charte éditoriale, que le Directeur général avait promis de « dénoncer » à son arrivée, mais qui est toujours en vigueur.

Dans sa réponse, que nous avons reçue le lendemain, le Directeur général confirmait « que notre compréhension du journalisme d'information diffère grandement – peut-être même de manière infranchissable ». Il nous accusait de ne pas prendre en compte le travail réalisé pour préparer cette interview et de « relativiser » par nos questions « les viols de masse et les meurtres de masse » du 7 octobre 2023. Pour prouver qu’Euronews donne la parole aux deux côtés, il a cité l’interview de la ministre palestinienne des Affaires étrangères, diffusée deux mois plus tôt, le 24 juillet, d’une durée de 12 minutes (tandis que l’interview de Netanyahu dure 20 minutes).

Par la suite, les deux autres organisations syndicales représentatives d’Euronews, CFE-CGC et SNJ-CGT, ainsi que les élus du CSE ont apporté leur soutien à la demande du SNJ, en adressant au Directeur général une « Motion sur le respect de la Charte éditoriale et le dialogue au sein de la rédaction » (jointe à ce communiqué). Ils y affirmaient que « la déontologie journalistique et l’indépendance éditoriale ne sont ni optionnelles ni hiérarchiquement subordonnées : elles constituent une responsabilité collective, partagée entre la direction et l’ensemble de la rédaction ».

Les élus se préparaient à lire et à voter cette motion au CSE du 9 octobre quand Claus Strunz a pris la parole pour annoncer que c’était sa dernière intervention et que désormais c’est Bénédicte Bachs, la Directrice administrative et financière, qui répondrait par délégation à toutes les questions éditoriales au CSE. En cause, le tweet d’un certain Martin Konecny qui citait la lettre du SNJ du 6 octobre :  https://x.com/martinkonecny/status/1975830375911072008?s=46

Le Directeur général accusait le SNJ d’avoir organisé cette 'fuite', affirmant que la confiance était rompue. Puis il a coupé le micro, sans donner aux élus SNJ la possibilité de répondre.

Le SNJ et l’ensemble des organisations représentatives d’Euronews déclarent qu’il est hors de question de se laisser accuser sans preuves. C’est un prétexte trop facile pour la direction de censurer une fois pour toutes la discussion sur les sujets éditoriaux, alors qu’il n’y a presque plus d’instance et de lieu pour le faire. Une rédaction est privée de son droit d’exprimer librement ses opinions, laissant l’instance représentative – la seule qui reste dans le groupe – sans interlocuteur sur les questions éditoriales. Quelle meilleure illustration de la prise de la finance sur tous les autres aspects de notre entreprise, pourtant encore considérée comme un média !

Pour exprimer sa « solidarité » avec le Directeur général, l’actionnaire principal et le Président du Conseil d’administration, Pedro Vargas a fait savoir qu’il ne viendrait pas à Lyon pour rencontrer les salariés au mois d’octobre comme il s’y était engagé auparavant. Les derniers vestiges d’indépendance éditoriale tombent, le micro se coupe, le rideau se ferme…

Paris
Lundi 13 octobre 2025
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