MOTION - Résolution finale du 106e Congrès du SNJ
Au moment où la ministre de la Culture, Rachida Dati, annonce qu'elle déposera en janvier prochain un projet de loi issu des conclusions des Etats généraux de l'information, le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, réaffirme la nécessité de légiférer sur plusieurs sujets majeurs :
- la reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle ;
- la conditionnalité des aides à la presse ;
- la révision des lois sur les seuils anti-concentration dans les médias ;
- l'amélioration de la loi sur la protection des sources des journalistes ;
- le renforcement de la loi Bloche de 2016 sur la déontologie journalistique, afin qu'elle soit enfin un sujet central dans les entreprises de presse ;
- le lancement d'un plan national pour l'éducation aux médias et à l'information, avec le budget adéquat ;
- la mise en place de dispositifs prévenant et sanctionnant l'usage de procédures-bâillons.
Le SNJ, réuni pour son 106e congrès à Nancy du 16 au 18 octobre, rappelle que les Etats généraux de l'information ont conclu à une paupérisation croissante du secteur des médias. Il est essentiel que le projet de loi présenté par le gouvernement mette des garde-fous aux dérives anti-sociales des dirigeants de médias. Le SNJ en a proposé plusieurs dans son projet "Les 12 travaux pour une information de qualité".
Dans les rédactions, les suppressions de postes se multiplient sous la forme aseptisée de "Plans de sauvegarde de l'emploi", qui ne sont rien d'autre qu'une casse de l'emploi. En une année, de nombreux titres, comme Le Quotidien de La Réunion, Le Dauphiné Libéré, Sud Ouest, La Voix du Nord, 20 Minutes, La Montagne ou La Provence ont vu leurs effectifs réduits. Certains ont même été liquidés, comme Le Journal de l'Île de La Réunion.
Dans toutes les formes de presse, des milliers de journalistes subissent une précarité insupportable. Cette situation fragilise toujours plus, année après année, l'ensemble de la profession. 50 ans après le vote de la loi Cressard, qui affirme la présomption de salariat pour les journalistes rémunérés à la pige, le SNJ dénonce l'usage illégal (notamment dans la presse magazine et l'audiovisuel privé) des contrats d'auto-entrepreneur ou des CDD-U (CDD d’usage), des paiements en droits d'auteur et le recours à l’intermittence du spectacle.
Au sein de nombreuses entreprises, comme La Nouvelle République, La Dépêche du Midi, L'Est Républicain ou les titres du groupe Centre France, l'ensemble des accords sociaux sont attaqués voire dénoncés, les employeurs tentant par tous les biais de contourner ou d'être moins disant que la Convention nationale collective des journalistes.
Face à ces manœuvres patronales, le SNJ mettra tout en œuvre pour mobiliser ses forces afin d'accompagner et soutenir les rédactions en lutte, que ce soit dans les entreprises, lors des grèves ou devant les tribunaux et les inspections du travail.
Le SNJ appelle l’ensemble des consœurs et confrères à voter pour ses candidats à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, jusqu’au 5 novembre.
Le SNJ dénonce avec force le refus de transparence et l'obstruction des éditeurs de presse dans les négociations sur les droits voisins, et la détermination de la part due aux journalistes prévue par la loi. Cette part "appropriée et équitable" doit être considérée sur l'ensemble de l'assiette des sommes versées par les GAFAM aux éditeurs, licences commerciales et accords transactionnels compris. Comble de la déloyauté de la négociation, le groupe Sud-Ouest, après 20 Minutes, refuse pour l’heure de verser aux journalistes les sommes dues, prévues par la commission d'arbitrage nationale (CDADV), dont les décisions sont pourtant exécutoires.
Le SNJ se portera au côté des auteurs spoliés et mettra tout en œuvre pour faire respecter le droit.
Alors que le recours aux contrats en alternance ou de professionnalisation explose dans les entreprises de presse, le SNJ rappelle que ces salariés sont encore en formation et n'ont pas vocation à combler des postes vacants. Le SNJ dénonce les formations non-reconnues par la profession, créées par les entreprises elles-mêmes.
Trop souvent considérés comme de la main-d’œuvre bon marché et comme une variable d'ajustement quand les effectifs sont trop tendus, ils apprennent leur métier dans des conditions parfois difficiles, notamment financières. Certaines entreprises, aujourd'hui, ne tourneraient pas sans les contrats de professionnalisation ou d'alternance.
Souvent démunis face à un monde qu'ils découvrent, peu au fait des règles des rédactions, les salariés en contrats d'alternance ou de professionnalisation nécessitent toute l'attention des militants du SNJ. Un travail spécifique va être mené dans ce sens par notre syndicat.
A quelques jours de votes cruciaux sur l'avenir de l'audiovisuel public, le SNJ rappelle ses deux exigences :
- la mise en place d’un financement pérenne, garantissant à la fois son indépendance et les moyens nécessaires à son fonctionnement ;
- le retrait de tout projet de restructuration, fusion ou création de holding.
Trois mois après des élections législatives anticipées qui ont vu l'extrême droite se rapprocher encore plus du pouvoir, le SNJ appelle solennellement l'ensemble de la profession à prendre la mesure du danger qui menace l'information dans notre pays.
Face à un mouvement politique ouvertement hostile aux journalistes, face à des milliardaires qui se comportent en prédateurs de la liberté de la presse, et face à un déferlement de désinformation, il est impératif de doter nos rédactions de protections efficaces, afin d'éviter qu'elles soient transformées en outils de propagande.
Il est tout aussi urgent que chaque rédaction, chaque journaliste analyse son traitement de l'actualité sociale et politique. Sur le choix des mots employés, des thématiques abordées, des intervenants interrogés, les chantiers sont nombreux.
Sujet largement évoqué pendant ce 106e congrès du SNJ, l'intelligence artificielle générative est de plus en plus présente dans les rédactions. Elle menace, sous certaines de ses formes qui interfèrent avec le coeur du métier de journaliste, la qualité de l'information et l'emploi.
Pour le SNJ, il est indispensable et urgent que ces utilisations s'accompagnent d'une absolue transparence de la part des directions vis-à-vis des représentants du personnel, des journalistes, et des lecteurs.
Très inquiet, SNJ demandent que ces utilisations soient strictement encadrées par des accords qui respectent les principes fondamentaux de l'exercice du métier de journaliste, qui filtrent, régulent et valorisent le moissonnage des corpus de textes éditoriaux qui alimentent et entrainent les algorithmes.
Les chartes de bonnes pratiques rédigées par les éditeurs de presse ne suffisent pas. Le SNJ appelle les parlementaires à légiférer pour permettre aux journalistes de garder la main sur l’information.
Le SNJ, membre-fondateur de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), réaffirme sa solidarité avec les milliers de reporters qui risquent leur vie en exerçant leur mission d'information, en Ukraine, en Russie, au Proche-Orient, au Mexique et partout ailleurs.
Et si notre syndicat a salué la sortie de prison de son confrère Julian Assange, adhérent d’honneur du SNJ, injustement incarcéré pendant près de six ans, il rappelle que des centaines de journalistes sont toujours détenus dans de nombreux pays, souvent sans jugement, et parfois même sans la moindre inculpation. La liberté de la presse se défend partout, tout le temps, de Nancy à Tunis en passant par la Chine ou la Turquie. Nous nous battrons pour la libération de nos consœurs et confrères !